9ème portrait : Delphine ZIEGLER - réalisatrice de films documentaires

Mis à jour le 17/05/2021

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Je suis Delphine Ziegler, réalisatrice de films documentaires. J'exerce cette activité en tant qu’indépendante, sous le statut de profession libérale.

Je suis née à Belfort, dans une famille de 7 enfants. Suite au décès de notre père, ma mère s’est très vite retrouvée seule pour nous élever. Elle a été contrainte de reprendre un travail, mais elle n'a cependant jamais négligé notre éducation et nous a transmis l’importance de faire des études, de voyager et se cultiver, de même qu'un sens de l'autonomie.

J’ai ainsi débuté par des études d'art à l'Ecole des Beaux-Arts de Nancy, puis de Paris. Encouragée par 2 de mes professeurs, je suis partie au début des années 80 aux Etats-Unis, pour poursuivre des études de sculpture à l’Université de Yale, où j'ai obtenu un master. Je me suis ensuite engagée dans un autre master sur les religions d'Asie, à l'Université de Californie. Ces études m’ont permis d'acquérir un socle de connaissances en sciences humaines tout en gardant un pied dans les arts visuels. J'ai continué à développer en parallèle des projets artistiques avec une nouvelle attirance pour les medium de la photographie et du film.

Après plusieurs années d'études et de voyages de recherche en Chine et au Japon, je suis revenue en France où j’ai eu mes 2 filles. Mon but était de rédiger une thèse de doctorat pendant leur petit âge, mais j'ai très vite compris qu'il était difficile de concilier ce nouveau métier de mère avec les exigences d' un travail de thèse, nécessitant la maîtrise de sources en chinois classique. Mes filles n'étaient pas de grandes dormeuses et je ne disposais pas de ces plages de disponibilité pour avancer sur ma thèse que mes professeurs m'avaient prédites... J'ai fait le choix de me consacrer entièrement à mes filles, jugeant que c'était important de nourrir leurs jeunes racines, en tout début de vie !

Nous nous sommes installés à Besançon, une ville qui correspondait à notre recherche d'une qualité de vie à la fois proche de la nature et de la culture. Cet équilibre me convenait tout à fait. Je me suis remise à la pratique artistique en répondant à des appels d'offre sur des projets alliant une conscience du territoire et des enjeux de société ; parmi eux, « Table de glace » un projet pluri-disciplinaire réalisé sur les Bassins du Doubs, en collaboration avec d'autres artistes. J'animais, en parallèle, des ateliers d'arts plastiques avec des enfants et des adultes dans des maisons de quartier ou MJC Maisons des jeunes et de la culture.

Mon intérêt pour la photographie et l'image animée ne cessant de croître, je me suis mise naturellement à faire des films, sans passer par des formations spécialisées. J'ai réalisé en 2010 « Riviera est fabula », en faisant dériver un radeau sur les eaux du Doubs et du Cusancin. Puis j'ai développé un cycle de résidences avec la danseuse lorraine, Aurore Gruel, où nous avons réalisé une série de courts métrages dans des lieux et milieux hétéroclites : un village en Chine, un troupeau de vaches laitières du Haut-Doubs, un lycée professionnel en Lorraine, une usine désaffectée dans les Vosges, le musée des Beaux-arts et d'Archéologie de Besançon. Je passais beaucoup de temps à monter ces films. Les tournages étaient de véritables aventures et suscitaient à chaque fois de nouvelles rencontres. Influencée par mes études sur le taoïsme, j'adoptais une attitude immersive où je me mettais en posture d'écoute : je filmais les lieux, les personnes et les situations sans idées préconçues, en « lâchant prise », ce qui m'ouvrait de nouveaux horizons et libérait mon regard.

Peu à peu, je suis devenue « réalisatrice », sans l'avoir vraiment anticipé ! Je me suis professionnalisée avec l'aide de l'Aparr, portail de l'audio-visuel et du cinéma sur la Région. J'ai réalisé trois documentaires « d'auteur », c'est à dire empreint d'une écriture singulière, mêlant mon penchant pour les arts visuels et mon désir de s'approcher des milieux que je ne connais pas. Deux d'entre eux ont été diffusés sur les chaînes régionales de France 3. Je me suis intéressée au sujet des violences conjugales et des violences subies par les femmes lors de leur parcours de migration. J'ai tissé des liens avec l'association Solidarités Femmes qui m'a permis de nourrir des rencontres et de partager avec un groupe d'entre elles l'aventure de réaliser un film. Chemin faisant, ces femmes m'ont appris ce qu'est la résilience et je leur en suis très reconnaissante.

Réaliser des films documentaires d'auteur n'apporte pas de revenus réguliers et il faut s'attendre à des mois précaires, le parcours de production d'un film étant long et fastidieux.

Si en 2019, 25,9 % seulement des films français sont réalisés ou co-réalisés par une femme , il ne faut cependant pas décourager les étudiantes et jeunes femmes qui souhaitent s’orienter vers les métiers du cinéma et plus globalement de l’audiovisuel. Ce sont des métiers de passion, qui apportent de belles gratifications si on parvient à mener les projets à terme. Mais il faut mobiliser beaucoup d’énergie pour y parvenir. La question des revenus demeure d'actualité : comment vivre de son travail ? Dans ce métier, il faut accepter une part d'incertitude, surtout quand il s'agit de films d'auteur.

Il m'apparaît important de recommander aux futures réalisatrices d'être à l'aise dans les rapports humains, d'avoir confiance en elles et d'acquérir des compétences techniques, car on se voit souvent endosser plusieurs rôles dans ce métier. Dans mon propre cas, je réalise souvent mes films seule, sans équipe de tournage et je dois compter sur mes propres ressources et compétences. De nos jours, il s'avère utile d'évoluer vers une certaine polyvalence, dans les domaines du cadrage, de la lumière, du montage, de l'étalonnage, du son, etc. Il faut aussi apprendre à monter des dossiers où l'écriture et les notes intentions sont importantes pour convaincre de potentiels financeurs et producteurs.

Je suis moi-même issue d’une famille où la distinction des genres était marquée mais mes séjours aux Etats-Unis et à l'étranger m'ont appris que rien ne s'inscrivait comme une vérité première ! Les débats sur la place des femmes dans la société américaine ont plusieurs années d'avance sur nous et les sanctions sont sévères à l’égard des individus ne respectant pas les notions de consentement ou d’égalité entre les femmes et les hommes. En Chine, j'ai été surprise de voir des femmes conduire des engins de chantier quand j'y ai séjourné, en fin des années 80.

Je suis fière de réaliser des films dont le dernier, « Les choses des autres » est sorti le 1ermars 2021 ; je suis en train d'en préparer un autre sur le thème de la construction du genre, en collaboration avec l'écrivain Florent Kieffer, dont le titre sera « On le devient ».

Si je devais retenir un homme et une femme illustrant la lutte pour les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes, je choisirais des auteur.e.s de films : Chantal Akerman, pour son engagement et militantisme dans la cause des femmes, et Alain Cavalier pour son extrême sensibilité dans ses portraits de femmes.

« Les choses des autres » sortie le 1er mars 2021 sur France 3 Bourgogne Franche-Comté

COMMUNIQUÉ DE PRESSE : https://www.francetvpro.fr/contenu-de-presse/9955075